le problème de la dispersion
et la circulation des munitions dans le monde
chapitre I
La production des munitions pour les armes de petits calibre
L’industrie de l’armement est en effet un sérieux facteur de
prolifération, non pas du fait de sa volonté propre, mais à
cause de sa dissémination et de son immense adaptabilité. Ainsi,
s’il est relativement facile de cerner le nombre de centres de
fabrication de missiles, de blindés ou d’avions de combat, répertorier
l’intégralité des sites de production de munitions de petit
calibre est une tache plus ardue, d’autant que ces sites se
trouvent répartis dans la plupart des pays du monde. La
somme approximative de ces producteurs approche soixante-dix au
bas mot. Par exemple, le
nombre de producteurs au Pakistan serait ainsi supérieur à
vingt, dont huit travaillant sur une base régulière, même si la
plupart des documents ne relèvent que les deux plus importants.
La Bulgarie compte une vingtaine de sociétés d’armement, dont
douze travaillent à l’exportation et dont l’activité se répartit
sur une centaines de sites. Le problème est identique dans les
pays développés ; l’Angleterre compte plus de cent
vingt-cinq sociétés intéressées à la fabrication d’armes
dont quatre-vingt produisent aussi des munitions, mais seule Royal
Ordnance apparaît dans la plupart des documents. Le Canada
dispose de deux grosses sociétés, l’une produisant des poudres
et l’autre des armes, qui coexistent avec soixante firmes
civiles, souvent peu connues. Les Etats-Unis, avec vingt-trois
sociétés majeures et une centaine de petits producteurs de
munitions, possèdent bien sûr l’industrie la plus puissante du
marché.
Le
fait est que la production internationale de munitions est en
plein essor, et que les zones industrielles traditionnelles, comme
l’Europe et les Etats-Unis, sont en passe d’être concurrencées
-au moins régionalement- par les industries des pays en voie de développement.
Les pays asiatiques arrivent peu à peu à un niveau
d’autosuffisance, alors que les industries d’Europe centrale
et les anciennes républiques soviétiques entament les marchés
habituellement dévolus aux Occidentaux. A ce niveau, les problèmes
liés à la concurrence économique deviennent cruciaux. La libéralisation
des pays de l’Est a entraîné l’irruption sur le marché des
sociétés d’armement très spécialisées, et notablement moins
scrupuleuses que leurs homologues occidentales et asiatiques.
Depuis 1993, les firmes russes sont encouragées à exporter tous
azimuts, alors que la survie du secteur de l’armement est une
question de survie industrielle pour des pays comme la Hongrie,
les Républiques tchèques et slovaques ou la Bulgarie. Le cas de
la Bulgarie offre un exemple significatif d’un pays de cette
zone dont l’industrie d’exportation est articulée autours de
la production d’armements et qui ne dispose pas des ressources
suffisantes pour se diversifier, le contraignant à maintenirune
politique de vente à outrance. L’industrie de l’armement
bulgare, qui représente la première source de devises nationales
a en effet perdu plus de 50 000 emplois lorsque, entre1991 et
1992, le gouvernement bulgare entreprit de restreindre les ventes
et de les moraliser pour satisfaire ses partenaires occidentaux.
L’éviction du Premier ministre d’alors et l’arrivée d’un
gouvernement néo-communiste devait permettre à l’industrie
nationale de retrouver ses parts de marché (les exportations
ayant triplé entre 1993 et 1994) et de favoriser le marché de
l’emploi (500 000 personnes dans la branche en 1995).
Contrepartie à ce sauvetage économique, la Bulgarie est réputée
vendre n’importe quoi à n’importe qui, quels que soient les
documents administratifs fournis
et sert de plaque
tournante à bon nombre de trafics internationaux. Le potentiel et
l’agressivité de ces nouveaux arrivants est tel que certains
experts prévoient une réduction dramatique du nombre de
producteurs en Europe de l’Ouest, du simple fait de la
concurrence.
Parallèlement,
l’approche actuelle des producteurs et des gouvernements
asiatiques laisse peu de place pour un contrôle effectif. Le
secteur de l’armement a en effet pris une dimension stratégique
dans cette zone autant au niveau politique qu’économique. Les
pays asiatiques n’entendent plus dépendre de l’Occident pour
leurs approvisionnements, et se bâtissent une industrie propre à
les conduire à l’autosuffisance, à coup de contrats offset et
de transferts technologiques. D’autre part, l’exportation
d’armements prend une place croissante dans les stratégies
économiques asiatiques, y compris pour les munitions, dont la
qualité est pour certaines d’entre elles comparable aux
productions occidentales. Les destinataires importent peu, pour
autant que le volume d’exportation permette de rentabiliser les
investissements industriels consentis. Il serait cependant abusif
d’accorder trop de poids aux considérations économiques,
autant en ce qui concerne les pays asiatiques que les autres
producteurs. La part des exportations d’armes de petit calibre
dans le commerce de l’armement n’est pas très élevée, et
peut difficilement servir de locomotive industrielle. La
production d’armes de petit calibre et de munitions apparaît
plutôt comme une nécessité politique, un vecteur
d’indépendance puis de projection visant à libérer cette zone
des intrusions occidentales et à leur permettre d’établir leur
propre réseau d’influence.
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production dans les pays en développement"
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