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   l'analyse complète de la menace terroriste

 

 
     
   
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le problème de la dispersion et la circulation des munitions dans le monde


chapitre II
 La production dans les pays en développement

Le problème de la production pourrait donc apparaître comme sans solution, étant donné qu’il est peu probable que les pays émergents acceptent de se voir imposer des contraintes sur des secteurs industriels en plein essor, bâtis dans un but politique et stratégique, autant qu’économique. De surcroît, le niveau technique et industriel requis n’est pas particulièrement élevé, et largement diffusé. A l’exception des poudres, qui représentent un secteur technologique particulier encore largement dominé par les Occidentaux, la plupart des pays du monde ont acquis des sites de production depuis de nombreuses années, passant généralement par des coopérations occidentales ou soviétiques. Ces dernières apparaissent encore comme indispensables pour la majorité des pays cherchant à acquérir des capacités autonomes, mais il est possible de s’en passer, l’acquisition de machines outils d’occasion ne présentant pas de difficultés. Une étude ancienne du "Sipri" démontre la complexité de la question de la production internationale à propos des munitions de petit calibre. L’étude répertorie les capacités de production des systèmes d’armes conventionnels dans le tiers-monde et souligne les coopérations avec les industries du Nord dans le développement de capacités ‘’indigènes’’ dans le domaine. A la lecture de l’ouvrage, il apparaît que s’il est encore possible de tracer les coopérations internationales dans le domaine des armements lourds, des munitions de gros calibre (artilleries, missiles, bombes), et dans une certaine mesure dans celui des armes légères, cela n’est plus le cas pour les munitions de petit calibre. De ce fait, s’il demeure possible de bloquer la réexportation d’armements lourds en menaçant de suspendre les coopérations et les financements, une telle démarche est déjà moins évidente pour les armes et munitions de petit calibre, désormais produites de façon quasi-autonome dans le monde entier.


Les capacités des pays en développement sont difficiles à évaluer, autant en qualité qu’en quantité. A l’exception de la Corée et de Singapour et de l’Afrique du Sud, qui jouissent de production de qualité, la plupart des autres pays souffrent d’une réputation moindre. On peut ainsi lire que le Pakistan, grand proliférateur régional, n’offre pas de production de grande qualité. David Leclerc affirme pourtant avoir testé des munitions locales, probablement fabriquées par la Pakistan Ordnance Factories sans rencontrer de problèmes particuliers, au moins en ce qui concerne la fiabilité. A titre anecdotique, il est assez amusant de rappeler l’histoire des fabricants d’armes de Darra, qui copient une vaste gamme d’équipements, du bon vieux Mauser C-96 au lance-roquettes Grad et contribuent à la mauvaise réputation de Pakistan dans le domaine de la prolifération des petites armes. A l‘origine, les Britanniques, maîtres du Pakistan et confrontés aux remuantes tribus de la région préférèrent leur accorder le droit de fabriquer des armes plutôt que de les contraindre à abandonner leurs trafics, troquant la légalité contre la tranquillité. Dans les années vingt, les producteurs de Darra commencèrent à fournir officiellement la police locale, en armes de très mauvaise qualité dit-on. L’invasion japonaise de 1941 les promut ensuite en fournisseurs aux armées de l’Empire (en Lee Enfield, Weybley et autres). On assista en quelque sorte à la premiere cession de licence non contrôlée, politique qui devait connaître un grand avenir comme un certain nombre d’initiatives malheureuses des Britanniques. D’autre part, le problème de la quantité de cartouches pouvant être produites reste difficile à évaluer. En théorie, une usine clef en main, fournie par l’Occident est apte à assurer un stock relativement conséquent aux nouveaux propriétaires. La Herstal a ainsi vendu au Kenya un centre de production situé à Eldoret, qui selon une ONG, aurait une capacité de production annuelle de dix-huit à vingt millions de cartouches. Toutefois, on constate qu’en dehors des grands centres industriels recensés (Occident, pays de l’Est et Balkans, Singapour, Chine, Israël et Afrique du Sud), les pays du tiers-monde semblent se cantonner à des productions locales ou à des transferts de faible volume. Hors des pays précédemment cités, aucun document ne fait état de transfert massif d’un producteur du tiers-monde vers une zone de crise à forte consommation de cartouches. A titre d’exemple, un site de production ougandais, généreusement vendu par la Chine est présumé alimenter les guérillas frontalières tutsies, mais la plupart des rumeurs courant sur les transferts dans la région des Grands Lacs font état d’aides américaines, sud-africaines, belges, anglaises et françaises. De manière similaire, les producteurs asiatiques ont été incapables d’alimenter le marché afghan en quantité lorsqu’un état de guerre intensif y régnait. Là encore, se sont les stocks américains qui jouèrent le plus grand rôle, autant en armes légères qu’en munitions. Selon Cris Smith, les services secrets américains se servaient et se serviraient encore de la Turquie comme base d’exportation pour ces transferts d’armements vers l’Afghanistan. Du temps du conflit avec les soviétiques, 100 000 millions de cartouches vieux modèle auraient ainsi transité de la Turquie vers l’Afghanistan.

Diverses explications peuvent être avancées. D’une part, une armée normale utilise pour l’entraînement un volume relativement important de cartouches. Le Canada, qui ne dispose que d’une petite armée, déclare ainsi utiliser vingt-huit millions de cartouches (5.56 et 7.62 confondues) dans ce but, volume que n’importe quel site de production local n’est pas apte à fournir. Les stocks et réserves de guerre doivent donc être accumulés en conséquence. L’accumulation de stock est probablement l’une des préoccupations majeures des pays du tiers-monde, souvent confrontés à des instabilités politiques, reléguant l’exportation à un rôle secondaire. D’autre part, la production régulière de munitions nécessite un approvisionnement continu en matières premières, en poudres et en amorces, ces dernières étant  souvent importées de l’étranger. Enfin, en dépit de la relative facilité de manutention des munitions, une infrastructure logistique relativement performante est nécessaire à l’acheminement de la production vers l’étranger, en particulier quand il faut alimenter une zone de conflit. Tous ces paramètres se payent et peuvent expliquer pourquoi la multiplication exponentielle des sites de production à travers le monde n’a pas encore entraîné de bouleversements majeurs dans la hiérarchie des distributeurs.

En fait le problème du contrôle industriel international des munitions souffre de plusieurs paradoxes. Le premier d’entre eux est bien connu. Suivant la maxime qui veut que le capitalisme vendra la corde qui servira à le pendre, l’Occident est le principal responsable de la diffusion des capacités de production à travers le monde. Dans le cas de l’Inde, la logique est tellement perverse que selon le Sipri, britanniques et français ont délibérément renforcé les capacités de réexportation de l’Inde, espérant voir ainsi rembourser leurs investissements. Le cas du site d’Eldoret, vendu par la Herstal à un régime pour le moins discutable est une autre illustration d’une logique industrielle qui défie tout bon sens politique et stratégique, mais qui est économiquement justifiable. D’une manière générale, la vente de site de production ou l’autorisation de ventes sous licences ne permet pas aux Occidentaux d’exercer de contrôles fiables. L’Allemagne, qui a vendu des licences de G-3 au Portugal, est incapable d’empêcher ce pays bien européen de vendre ces armes si typiquement germaniques dans des pays où Bonn ne souhaiterait pas voir ces fusils apparaître. Que dire alors des usines clef en mains vendues à des régimes dont les scrupules ne sont pas la qualité dominante et dont la durée de vie se compte souvent en années ? En fait, le second paradoxe de la vente sous licence est que les occidentaux ne contrôlent que les pays les moins susceptibles de proliférer. La Corée du Sud, qui s’est bâtie une efficace industrie d’armement sous l’amicale tutelle des Etats-Unis, en offre l’exemple caricatural. Le pays produit tout le spectre des munitions OTAN, sous licences américaines, et supplée plus que de mesure à ses besoins internes. Mais la dépendance coréenne à l’égard de la protection des Etats-Unis est telle que ces derniers sont en mesure de faire strictement appliquer les accords de non réexportation traditionnellement liés à la cession de licences (il se trouve aussi que les Etats-Unis sont l’un des seuls pays Occidentaux à tenter de faire respecter leurs droits industriels). Il en découle que la Corée ne peut jouer le rôle d’exportateur majeur que sa capacité industrielle lui permettrait. Selon le Sipri (en 1986), la Poogsan Metal tournait à quatre-vingt-dix pour-cent à vide dans certains de ses secteurs d’activité, faute d’autorisations d’exportations. On comprend que dans ces conditions les pays asiatiques ne songent qu’à échapper à l’influence occidentale. De plus, le cas de la Corée tend à démontrer que le contrôle des transferts de matériels produits sous licence n’obéit pas strictement aux lois du marché (dans le sens où une forte capacité de production permet de vigoureuses exportations) mais à des règles politiques : accorder une multitude de licences à un pays bien contrôlé ne présente que peu de risques économiques ; accorder quelques licences à un pays peu contrôlable revient à en faire un concurrent potentiel. Il semble que cette dernière politique ait été la plus couramment adoptée par nos responsables politiques et industriels.

Le dernier aspect paradoxal des capacités de production du tiers-monde est que les industries de ces pays se renforcent le plus légalement du monde en trouvant des débouchés en Occident. La Chine, qui est l’un des pays les plus proliférants dans le domaine des petites armes, présente ainsi un bilan intéressant dans ses ventes d’armes légales à destination du marché international civil. Le tableau suivant dresse la liste de quelques-uns uns des principaux importateurs d’armes de poing chinoises et des munitions attenantes.

Le rapport financier de la vente légale d’armes à feu et de munitions n’a rien d’un el dorado, contrairement à ce que la légende des marchands de canon veut bien laisser croire. Armes et munitions n’acquièrent de valeur que lorsqu’elles sont vendues frauduleusement, mais le problème est alors tout autre.


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