le problème de la dispersion et la circulation des munitions dans le monde
chapitre IV
Les stocks américains de munitions
Dépositaires
de l’un des plus vastes stocks de munitions existant dans le
monde (évalué à cinq millions de tonnes et d’une valeur de
quatre-vingt milliards de dollars), les Etats-Unis sont
confrontés à l’entretien d’un volume désormais largement
excédentaire, puisque qu’il n’obéit plus aux réquisitions
héritées des stratégies de conflit massif datant de la guerre
froide. Le Département de la Défense, par le biais de l’U.S.
Army, assure
l’entretien de trois millions de tonnes de munitions de
tous types, du vieux Nike Hercule à capacité nucléaire à la
cartouche de .22, les deux millions de tonnes restant étant
directement gérés par les services. Le tout est réparti dans
neuf dépôts, deux usines et un arsenal. La fin de la guerre
froide, ayant entraîné un retour rapide des munitions
entreposées outre-mer (soit un million de tonnes) et une baisse
des budgets affectés, les Américains sont confrontés au triple
problème de l’augmentation constante de leur stock, de son
vieillissement et de son coût. Contrôle et gestion du stock
deviennent alors problématiques, onéreux et offrent peu de
garanties de transparence.
D’un
point de vue économique, la destruction des munitions excédentaires
se révèle être une solution coûteuse. Selon le Government
Accounting Office, le plus gros site de retraitement américain
peut détruire 1 300 tonnes de munitions en une semaine, à un coût
d’environ un million de dollars. A la fin de l’année fiscale
1995, 375 000 tonnes attendaient d’être détruites, sachant que
les fonds alloués à ces destructions ne sont pas prioritaires.
Certes, l’étude du GAO traite des munitions dans leur ensemble,
et non pas uniquement des petits calibres. La destruction de
celles-ci est sans doute moins onéreuse, mais elle n’est pas
forcément prioritaire, ces munitions prenant peu de place et se
conservant remarquablement bien. Par ailleurs les quantités sont
phénoménales, les stocks étant constitués pour pouvoir
soutenir deux conflits régionaux majeurs ainsi que les tests et
l’entraînement pendant 7 ans (6 ans pour l’US Army). Les réquisitions
opérationnelles de l’US Army pour les réserves de guerre étant
passées de 2.5 millions de tonnes à 650 000 (soit une baisse de
74%), de larges quantités de munitions sont actuellement excédentaires
et disponibles pour tout usage. Quasiment cinquante pour-cent des
différents types de cartouches examinées par le GAO dépassent
les réquisitions des services. Sur les quarante-quatre pour-cent
des munitions américaines sur lesquelles on dispose de précisions
datées, il apparaît que cinquante-cinq pour-cent des d’entre
elles ont plus de dix ans, trente-quatre pour-cent ont plus de
vingt ans, quatorze pour-cent ont plus de trente ans. Sachant que
les militaires répugnent à utiliser des munitions trop vieilles,
ces dernières s’accumulent, au point que pour certains types de
cartouches, les quatre services de l’armée américaine ont des
surplus dépassant cinquante fois leurs réquisitions opérationnelles.
Financièrement
parlant, la conjonction entre le coût des destructions et
l’accumulation de munitions âgées est un incitateur puissant
à leur transfert vers les nombreux pays qui disposent encore des
équipements pour les utiliser et qui sont prêts à les acheter
ou à se les faire offrir. Dans le strict domaine des munitions de
petit calibre, le GAO fournit quelques exemples édifiants,
illustrant l’ampleur du problème. Ainsi L’USAF
dispose de cinquante fois ses besoins en .30-30 (vieille variété
de 7.62), et l’US Army 517 fois. La Navy dispose de 276 fois ses
besoins en cartouches .50. Les Marines quant à eux possèdent de
2.9 millions de .50 pour une valeur 2.7 millions de dollar et l’US
Army 97 millions de cartouches diverses, d’une valeur de 146
millions de dollars, jugées excédentaires car inadaptées aux
armes en dotation actuelle. Enfin le Marine Corps, avec un stock
de 22 millions de cartouches 5.56 traçantes pourrait, en transférant
ses surplus, couvrir les besoins des trois autres services et
disposer encore d’un surplus de 12 millions de cartouches par
rapport à ses réquisitions. De surcroît, l’accumulation tend
à s’accentuer, les différents services des armés continuant
à passer des commandes sans se soucier du problème des excédents.
En
dépit des recommandations du GAO, le Congrès reste mal informé
de leur état réel et de leur utilisation. De surcroît, il
semble que dans certains cas, l’accumulation excédentaire soit
volontaire. Selon le GAO, le DoD exploite tacitement toute
possibilité légale de constituer des stocks afin de les écouler
ensuite. Il en a le droit, puisque selon l’AECA (Arms Export
Control Act), le DoD peut légalement se débarrasser de ses
stocks par le biais des ventes militaires à l’étranger (Foreign
Military Sales). Il semble toutefois qu’il s’agisse d’une
politique d’accumulation délibérée...Ainsi,
en prenant l’exemple d’obus de 105mm, un intermédiaire privé
explique que pour des pays comme les Etats-Unis ou la
Grande-Bretagne, « [..]
those nations' defense agencies announce a global contest for the
supply of, say, ammunition for 105-millimeter artillery pieces.
The company that presents the best price/quality offer wins, and
payment is made in 45 days. "Only, [the United States and
Britain] do not show the final destination certificate [..].They
just say that the merchandise is for them. However, if, by any
chance, we are aware that their armed forces no longer use
105-millimeter pieces, then we begin to worry" ».
Pour être plus clair, les services adoptent une politique délibérée
d’accumulation des stocks afin –entre autres- de permettre le
ravitaillement des diverses agences gouvernementales pouvant les
requérir, ou d’alimenter certains marchés étrangers. Cette
observation n’a rien d’une révélation, mais elle confirme
bien que le contrôle de la production industrielle ne présentera
qu’un intérêt marginal tant que la question de la mise à
disposition des stocks n’aura pas été réglé.
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contrôle de la circulation des munitions dans le monde"
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